Vivre avec le risque de la grippe aviaire : Une perspective européenne

Publié le 11 avril 2023

Vivre avec le risque de la grippe aviaire : Une perspective européenne

Par Gérard Lévêque

Cet article est un résumé d'un récent discours présenté lors de la conférence “Turkey Science and Production” à Chester, au Royaume-Uni.

L’influenza aviaire hautement pathogène (IAHP) représente une menace majeure pour l’industrie de la volaille. Ce risque est probablement encore plus grand pour les dindes que pour toute autre volaille en raison de leur grande sensibilité au virus et de leur longue espérance de vie. L’IAHP affecte le bien-être des animaux car les oiseaux infectés souffrent et meurent généralement soit à cause des effets de la maladie, soit parce que la réglementation exige que les lots soient euthanasiés pour empêcher la propagation. Elle a également des conséquences économiques négatives pour les éleveurs de dindes qui sont déjà sous pression pour tirer le maximum de valeur de leurs lots. En l’absence d’un plan d’action clair, l’industrie de la dinde devra lutter pour assurer sa viabilité tout en essayant de gérer l’IAHP.

Au cours de ces trois dernières années, l’Europe et l’Amérique du Nord ont fait face à une augmentation des cas d’IAHP. Jusqu’à récemment, nous considérions que le risque était principalement lié aux flux migratoires des oiseaux sauvages, et plus particulièrement à la période de migration d’automne (du nord au sud dans l’hémisphère nord). La situation a changé en 2022, avec l’apparition de foyers liés aux deux flux migratoires, et le virus est finalement devenu endémique dans la population locale d’oiseaux sauvages. Compte tenu de l’évolution de la situation, il semble évident que le moment est venu de réfléchir à de nouvelles stratégies pour contrôler l’influenza aviaire. Il existe de nombreuses façons d’agir contre l’IAHP, mais cet article examine l’importance des normes de biosécurité et l’utilisation potentielle de la vaccination.

Des normes de biosécurité élevées

Même lorsque les oiseaux sauvages sont présentés comme la source de l’épidémie, la principale voie de contamination est essentiellement indirecte par les chaussures, le matériel ou la litière souillée par les déjections : le plus grand risque d’épidémie se situe devant la porte du bâtiment.

Si le virus devient et reste endémique, il sera difficile de garantir qu’il n’y aura jamais de foyers. Il reste cependant important d’éviter que la propagation du virus n’entraîne l’apparition de plusieurs foyers. Les mouvements d’animaux, de matériel et de personnel doivent être raisonnables et sécurisés chaque fois que cela est possible en effectuant des tests et en nettoyant et désinfectant.

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La vaccination est-elle une option ?

La vaccination présente des faiblesses évidentes. D’un point de vue scientifique, on s’attend à ce que la vaccination réduise l’excrétion lorsqu’un lot est contaminé plus qu’elle ne protège un lot contre la contamination. Nous ne comptons pas sur la vaccination pour protéger les élevages, mais pour contrôler la propagation par la réduction de l’excrétion. La protection d’un lot dépend beaucoup plus de l’application correcte de la vaccination par ses voisins que de sa propre immunité. Un autre inconvénient de la vaccination est son coût élevé en termes de matériel en lui-même ainsi que le coût de l’application et des protocoles d’échantillonnage extensifs.

La vaccination est traditionnellement utilisée pour justifier les restrictions commerciales. Il est difficile pour un pays exportateur de la mettre en place lorsque tous les pays ne sont pas d’accord sur l’utilisation des vaccins.

Pour ces multiples raisons, la vaccination ne peut être laissée à l’initiative et au choix individuels. Elle doit s’inscrire dans une démarche collective basée sur une réflexion scientifique. Une fois la stratégie et le cadre définis, la vaccination ne peut pas être optionnelle pour des populations définies, elle doit être obligatoire.

Pour contrôler les effets néfastes de l’IAHP, nous disposons de quelques outils. La biosécurité est la première ligne de défense pour contrôler et arrêter la propagation de la maladie. Il est de notre responsabilité de renforcer tous les éléments de la biosécurité et d’avoir la volonté de remettre parfois en question nos systèmes de production et d’être ouverts à leur adaptation. Si la tendance observée ces dernières années se confirme et que le virus devient malheureusement endémique dans les populations locales d’oiseaux sauvages, il devient difficile d’imaginer une production durable sans recourir à des solutions vaccinales. La vaccination ne doit pas être considérée comme une solution miracle. Elle ne peut être utile que si elle est utilisée dans des conditions très strictes, dans le cadre d’une stratégie à long terme clairement définie.

D’après les données dont nous disposons, il semble que l’IAHP soit là pour durer. C’est pourquoi l’industrie avicole doit faire preuve d’un esprit critique et doit éventuellement adapter les pratiques standards de lutte contre l’influenza aviaire. Pour assurer la pérennité de l’industrie de la dinde, nous devons collaborer pour trouver de nouvelles solutions à ce risque sanitaire permanent.

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